Eglise Saint Thomas

15 septembre 2024

L’église Saint-Thomas est le bâtiment principal le plus harmonieux de notre ville. Sur le même niveau que le château, leurs silhouettes se découpent côte à côte dans le ciel, adossées à la colline Sainte-Anne comme les symboles civil et religieux, protecteurs de la communauté de Vedène.

Histoire de la construction

Au début de l’existence de la communauté de Vedène, comme dans beaucoup d’autres villages de notre région, une chapelle tenant lieu d’église, devait se situer au milieu du village naissant, à proximité immédiate du château. La chapelle des Pénitents gris répond tout à fait à cette exigence. Elle fut donc certainement la première église de Vedène, ce n’est que bien plus tard qu’elle devint la chapelle des Pénitents gris.

Au XIVe siècle, cette chapelle étant devenue trop petite pour la célébration des offices, le conseil décide d’édifier une église, la deuxième donc, à la périphérie de l’enceinte des remparts. La forme architecturale de cette deuxième église est mal connue : certainement de forme romane, de plan classique, avec une nef en long. C’est ainsi d’ailleurs qu’elle est représentée par le dessin de l’album Laincel reproduit à l’occasion de l’étude sur les remparts.

Elle est en très mauvais état en 1760, et les raccommodages inefficaces se suffisent plus à sa conservation. La décision de construire une nouvelle église est alors prise conjointement par le chapitre d’Avignon, le vice-légat, le seigneur et la communauté de Vedène. Cette troisième église, celle que nous connaissons de nos jours, sera construite sur l’emplacement de la précédente.

Jo Bergognon, aujourd’hui disparu, érudit local très connu et apprécié de son vivant, a exposé publiquement cette hypothèse des trois églises successives, à l’occasion du discours qu’il prononça pour le bicentenaire de l’église actuelle, en décembre 1967.

La démolition de l’ancien édifice commence à la fin de 1764. La réalisation des plans de la nouvelle église est confiée à un certain Franque, sans préciser le prénom. Cette grande famille d’architectes d’Avignon, originaire du Roussillon, a acquis une grande renommée au fil des années, notamment avec Jean-Baptiste, le plus connu de la dynastie, qui meurt en 1758. Ses fils, François et Jean-Pierre, prennent sa suite. Le plan de notre église peut être attribué à Jean-Pierre avec la collaboration probable de son frère, qui est installé à Paris. La liste de ses œuvres, surtout religieuses, est impressionnante : l’église de Caumont, celle de la Chartreuse de Valbonne, les bénédictins de Pont-Saint-Esprit, de Tavel et de Bollène.

Le maçon désigné est Joseph Aymard, d’Avignon, car sa proposition est jugée intéressante. Il est choisi pour réaliser l’ensemble des travaux, y compris la couverture, dans un acte de prix-fait passé en présence du notaire Jeaume, le 17 octobre 1765. Il est tenu de terminer l’église dans un délai de deux ans, de fournir toutes les pierres de taille, le sable, la chaux et le plâtre, et de poser toute les portes et fenêtres.

La construction commence à la fin de l’année 1765. Le nombre d’ouvriers utilisés par le maçon pour l’aider est inconnu mais une telle réalisation demande certainement une main-d’œuvre abondante. Divers problèmes surviennent durant la construction, par défaut d’organisation et de coordination dans le déroulement des travaux. Mais aussi par une mauvaise gestion des approvisionnements en matériaux de construction, qui engendrent des retards.

Par souci d’économie une des chapelles de l’ancienne église a été conservée pour servir de sacristie à la nouvelle.

L’édifice, du moins pour le gros œuvre, est terminé dans les délais en décembre 1767. Le curé Rochette note dans les registres paroissiaux : « l’an mille sept cent soixante-sept et le vingtième jour du mois de décembre, notre église paroissiale de la paroisse de Vedène, diocèse d’Avignon, a été bénite, dont le patron de cette paroisse est Saint-Thomas apôtre ».

Cette bénédiction est à l’occasion d’une grande fête avec de la musique. Le 7 février 1768, les portes de l’église sont mises en place, mais l’aménagement intérieur durera encore quelques années.

Le financement des travaux, plus exactement du prix-fait de 14 000 livres, est assuré par :

6240 livres du duc de Gadagne, 6220 livres de la communauté qui a recours à des emprunts, notamment pour financer les aménagements intérieurs, non compris dans le prix-fait de 14 000 livres.

Le prix-fait réalisé par Jean-Pierre Franque, composé de vingt articles, permet de noter de nombreuses particularités. Tout d’abord, l’édifice est parfaitement symétrique dans son espace intérieur, ayant la forme d’une croix grecque avec quatre volumes rectangulaires d’environ 3 mètres sur 5,95 mètres. Seul l’abside est plus profonde grâce à son arrondi.

Ce plan est rare pour une église, et unique dans notre département. Selon M. J. Courtet « l’église de Vedène est dans le goût de celle de l’oratoire d’Avignon » ? Enfin, certaines églises de Rome auraient un plan approchant, mais aucune n’est identique. Cet aspect est difficile à expliquer : la place disponible était-elle insuffisante à l’intérieur des remparts ? Dans ce cas, la seule extension possible était à l’ouest, du côté des remparts qui, à l’époque, n’avaient plus d’utilité réelle et n’étaient pratiquement plus entretenus. Ils furent donc probablement détruits en partie pour permettre la construction de l’église, puis raccordés sur elle. La découverte faite lors de la démolition de la maison Rochette, rue du Portail neuf paraît confirmer cette hypothèse. Mais, peut-être s’agit-il aussi d’une volonté d’innovation de Jean-Pierre Franque ?

Son orientation, nord-sud, comme celle de l’horloge située à quelques dizaines de mètres, est également étrange, car les églises sont généralement orientées est-ouest.

L’intérieur de l’église comporte huit pilastres principaux, adossés aux murs, ornés d’une base et d’un chapiteau. Huit autres pilastres, sans base ni chapiteau, servent de dosseret et de soutien aux quatre voûtes principales. La voûte du sanctuaire est en plein cintre, avec la partie du fond en « cul de four », servant à couvrir l’abside, les trois autres voûtes sont en arc de cloître. Au centre de l’église, se trouve l’élément architectural le plus impressionnant : une très belle coupole hémisphérique, qui devait initialement être cerclée d’un cadre chantourné pour la mettre en valeur. Mais cet important détail n’a malheureusement pas été réalisé par l’entrepreneur.

L’ensemble est orné d’un décor peint très riche, certainement réalisé peu de temps après la construction, mais aucune source n’est disponible à ce jour sur ces peintures. Ce décor se présente sous la forme de marbre en trompe-l’œil sur les pilastres, de médaillons représentant des figures de saints à divers endroits et d’une peinture riche et variée sur le reste de l’édifice. Enfin, de nombreuses toiles ornent l’église : une copie de Saint Thomas de pierre Mignard, une copie de Saint Eloi de Nicolas Mignard et surtout une très belle toile du XVIIe siècle représentant Notre-Dame des sept douleurs entre Saint Théodore et Sainte Catherine. D’autres toiles du XVIIIe siècle représentant les quatre évangélistes sont également disposées au-dessus des quatre niches latérales.

L’aspect extérieur est très sobre. Le toit, de forme pyramidale, est couvert de tuiles dont la disposition permet de résister aux vents violents, en particulier le mistral. Une génoise formée de trois rangées de tuiles couronne la façade pour empêcher l’eau de ruisselet sur les murs et ajoute un élément de finition. La façade est enduite pour protéger la pierre contre les précipitations et l’érosion. Le clocher est construit sur un des quatre piliers et son architecture extérieure est dans le prolongement de la façade.

Quatre types principaux de pierres de taille ont été utilisés pour la construction : la pierre de Gigognan (petite localité près de Sorgues, aujourd’hui disparue) pour les fondations, la pierre de Villeneuve pour la coupole et l’aménagement intérieur, la pierre de Caromb et celle de Barbentane pour les escaliers et les perrons. Seules les pierres moellons semblent provenir de Vedène. A noter que les pierres de l’ancienne église ont été réutilisées pour la nouvelle, afin de réduire les coûts.

Il est toutefois regrettable que cette importante construction comporte certaines anomalies. Les quatre ouvertures manquent de finitions, et sont insuffisantes. L’église est de ce fait très sombre malgré les vitraux.

Mais surtout, les murs sont de même épaisseur des fondations à la génoise alors que les règles de l’art veulent une construction large à la base et progressivement réduite vers le haut, pour une plus grande solidité et plus d’esthétisme de l’ensemble. Joseph Aymard est également connu pour avoir réalisé la chapelle de l’hôpital d’Avignon en 1751 où cette même erreur a été dénoncée. La façade est pour le moins austère, et comporte peu d’éléments de décoration.

In n’en demeure pas moins qu’elle constitue une œuvre originale et, sans conteste, l’édifice le plus esthétique de notre ville. Elle a d’ailleurs été inscrite sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 9 juillet 1934, et classée monument historique par arrêté du 28 décembre 1984 du ministère de la Culture.

Nous avons cependant oublié quelque chose d’important pour bon nombre de Vedénais. C’est l’histoire des cloches de notre église, et surtout de l’une d’entre elles : la Pastourelle.

Au XVIe siècle, alors que les guerres de religion font rage en France, les troupes huguenotes déferlent sur le Comtat Venaissin. Dans les villages de la région, les atrocités se multiplient : partout on incendie, on égorge, on massacre, on torture… tout cela au nom d’un Dieu d’amour.

A Vedène, les consuls catholiques prennent quelques précautions pour protéger le village : la porte « d’en bas » est murée, on installe des guérites sur les remparts, et les cloches sont transportées à Avignon, en lieu sûr. Mais ces mesures ne seront pas suffisantes. En 1562, Vedène est prise par les Huguenots conduit par le sanglant baron des Adrets, qui pillent et incendient quelques maisons. Mais les cloches de Vedène seront Sauvées.

Beaucoup plus près de nous, dans les années 1900, lors d’un hiver particulièrement rigoureux, le gel fêla la cloche de l’église de Vedène. Vingt ans plus tard, elle fut refondue à Marseille. Le retour de la cloche fut un événement largement relayé par la presse locale et l’objet de célébrations et manifestations.

Retour de la cloche en 1924

La nouvelle cloche fut baptisée « la Pastourelle » le 25 mai 1924, lors d’une cérémonie présidée par le chanoine Peyron, vicaire générale du diocèse d’Avignon. Pour l’occasion, les Vedénais l’avaient revêtue d’une somptueuse robe de baptême, parée de dentelles. La cloche d’un poids de 700 kg, porte l’inscription suivante :

Un ser d’iver, lou gèu m’avié maca
Lou pitre :
Vint an fougnère, triste arlèri
Senso biais.
Bonur ! li Pastourèu an tengu
Lou chapitre :
M’an redouna la voues
Per canta longo-mai

A 10h le matin, les cérémonies commencent par une messe, au cours de laquelle la chorale conduite par un chanteur d’opéra chante un cantique spécialement composé par J. Bergognon en l’honneur de la cloche vedénaise.

A 14h30, la bénédiction est donnée à la Pastourelle, alors que la chorale chante des psaumes. La Pastourelle sonnera pour la première fois dans le village à 17h, pendant que des dragées de baptêmes sont distribuées aux enfants. Plus tard dans la soirée, l’harmonie Vedénaise donne un concert dans la cour du Café de France, un banquet clôture la journée.

Tout au long de son histoire, Vedène a vécu au rythme de ses cloches et, jusqu’à la construction de la tour de l’horloge, elles seules indiquaient le déroulement des jours. C’est pourquoi, à l’aube du troisième millénaire, et en hommage à ce passé, la municipalité de Vedène a fait fondre une nouvelle cloche pour témoigner de notre temps, et pour inciter les générations à venir, à plus de vérité et de tolérance.

Le 31 décembre 1999, un timbre à date représentant cette nouvelle cloche a été utilisé pour en fixer le souvenir sur les documents administratifs établis et délivrés ce jour-là.

Cette nouvelle cloche comporte les inscriptions suivantes :

J’ai vu l’aube de ce XXIe siècle et je verrai son crépuscule. Ainsi je témoignerai de ce que vous avez fait de votre temps.
Vérité et tolérence en ce troisième millénaire.

Restauration des tableaux de l’église

L’église paroissiale Saint Thomas, à l’architecture unique pour la région, est classée Monument Historique depuis 1984. Elle contient en outre de nombreuses œuvres d’art, dont cinq tableaux qui, à la demande de la municipalité, ont été classés au titre des Monuments Historiques en 2017 :

  • L’incrédulité de Saint Thomas, copie d’une œuvre de Pierre II Mignard (1640-1725)
  • La Vierge des sept douleurs entourée de Sainte Barbe et Saint Théodore, œuvre du peintre hollandais Quirinus Van Banken (vers 1579-1649), établi à Avignon.
  • La Sainte Famille, œuvre de Louis Parrocel (1634-1694), issu d’une famille de peintres provençaux
  • Saint François de Paule, copie d’un tableau de Charles Mellin
  • Jugement de Pilate, un tableau ancien, peut-être du XVIe siècle ou du début du XVIIe, attribué également à Quirinus Van Banken ou plutôt à son atelier.

Ces tableaux, qui ont été jugés dignes d’une protection au titre des Monuments Historiques, méritent d’être restaurés et mis en valeur et font partie de notre patrimoine vedénais.Un projet a donc été initié par la municipalité, afin de confier la restauration des œuvres à des professionnels, sous la maîtrise d’œuvre de la Direction Régionale des Affaires Culturelles.
Le coût global de la restauration des tableaux s’élève à 100.000 €, mais des subventions seront demandées à des partenaires publics (DRAC, Région, Département) et la Fondation du Patrimoine a été déléguée pour ouvrir une souscription publique.
Rappelons que les dons consentis par des particuliers ou des entreprises dans le cadre d’une collecte de fonds sous l’égide de la Fondation du Patrimoine, permettent de bénéficier d’une réduction d’impôt conséquente.